8ème catéchèse paroissiale du 13/02/2022
Le baptême de Jésus dont nous avons parlé, il y a 15 jours, n’est pas seulement Sa manifestation au monde comme Messie, comme Christ, mais aussi une Théophanie trinitaire. Car Jean le Baptiste a vu descendre du Ciel, sous la forme d’une colombe, le Saint Esprit sur Jésus et y demeurer et une voix s’est fait entendre dans le Ciel disant : « Celui-ci est Mon Fils bien-aimé, il a toute Ma confidence ».
C’est pourquoi St Cyrille de Jérusalem, qui est le grand théologien des catéchèses pro baptismales et des mystagogiques, nous dit que le baptême de Jésus nous révèle aussi le mystère du Dieu Trinité car pour qu’il y ait un « Christos », un oint, il faut qu’il y ait quelqu’un qui l’oigne (le Père) et qu’il y ait quelqu’un qui soit l’onction (c’est-à-dire le Saint Esprit). Ainsi, on ne peut pas penser au Christ sans penser simultanément au Père et au Saint Esprit et sans eux, le mot « Christ » n’a pas de sens ; on ne peut confesser que Jésus est Christ sans confesser Dieu en 3 personnes (voir également la prière du Saint Nom).
L’hérésie modaliste prétend que Dieu est unique mais qu’Il S’est manifesté de 3 façons : dans l’Ancien Testament. c’est le mode du Père, dans le Nouveau Testament. c’est le mode du Fils et dans le temps de l’Eglise c’est-à-dire le temps après la Pentecôte c’est le temps du Saint Esprit ; la vie de Jésus ne serait ainsi commémoré que comme un passé historique.
Le tropaire de la fête de la Théophanie qui est le condensé théologique de celle-ci, l’exprime très bien : « Ton baptême dans le Jourdain, ô Christ, nous montre l’adoration due à la Trinité, car la voix du Père Te rendit témoignage, en Te nommant le Fils bien-aimé, et l’Esprit, sous la forme d’une colombe, confirmait la vérité inébranlable de cette parole ; Christ Dieu, Tu es apparu et Tu as illuminé l’univers, gloire à Toi ! » Dans ce chant, il n’est plus question de Jean Baptiste car celui-ci a accompli sa mission qui est de recevoir la confession de nos péchés et notre repentir puis de nous mettre en face de la Sainte Trinité ; il dira d’ailleurs de lui-même : « Telle est ma joie, elle est parfaite. Il faut que Lui (le Christ) grandisse et que moi je diminue » (Jn 3, 29-30).
Aucun livre ne peut « expliquer » le mystère du Dieu Trinité, seule la prière et l’adoration peuvent nous faire entrevoir une infime parcelle de la vérité sur Dieu unique en 3 personnes mais l’icône de saint André Roublev peut aussi nous y aider. Roublev était un moine russe du XVème siècle et il a en fait illustré par l’icône, le récit de la visitation des 3 anges dans la tente d’Abraham (Gn 18, 1 à 15) qui est une préfigure du Dieu en 3 personnes qui se révèlera au moment du baptême du Christ ; dans le texte de la Genèse, Abraham s’adresse aux 3 anges qui le visitent, tantôt à la 1ère personne du singulier tantôt à la 2ème personne du pluriel.
L’icône que Roublev a écrite, inspirée par le Saint Esprit est un chef d’œuvre tant par la composition artistique elle-même que par le témoignage de la rencontre qu’elle exprime entre Abraham et le Dieu Tri-unique, elle est, en quelque sorte, une Joconde théologico-mystique ! Même les agnostiques, voire les athées, reconnaissent la beauté profonde, la paix et la puissance qui émanent de cette image et qui impose un silence respectueux aux plus hostiles à la foi ; personne ne peut regarder cette icône sans être touchée parce qu’elle nous transmet c’est-à-dire la vérité que Dieu regarde tout homme avec miséricorde et bienveillance, les bons comme les méchants et manifeste son amour à tous quels qu’ils soient.
Si le silence s’impose devant cet icône, c’est le silence de la prière devant le mystère insondable de la Divine Trinité ; dans cette icône, Roublev exprime l’unité par la similitude des 3 anges et par le cercle unique dans lequel ils s’inscrivent ; la personne de gauche qui est de ¾ semble représenter le Père qui est la source de la divinité, Il est inconnaissable et inengendré, celui dont on ne sait quasi rien sinon qu’il est amour (Ex 34, 6-8 ; 1 Jn 4, 8 et 16) ; c’est pour cela que son vêtement est pale, indéfinissable et quasi transparent ; la 2ème personne qui est au centre semble être le Christ car son vêtement est de couleur tranchée, bleu et brun ; le bleu symbolise son origine céleste et le brun sa seconde nature, terrestre et que sa personne est divino-humaine ; derrière lui, il y a un arbre et ses racines sont plantées dans la terre et ses racines tendues vers le ciel ; il représente le bois de l’arbre de vie qui deviendra l’arbre de la croix qui deviendra à son tour, par le sacrifice du Christ, l’arbre du salut : « Adam mourut pour avoir mangé du fruit de l’arbre, mais il retrouva dans l’arbre de la Croix, la vie par laquelle, ô Miséricordieux, il jouit à nouveau des délices dans le paradis » (vendredi de la 5ème semaine de Carême) ; le personnage de droite, de ¾ lui aussi, est le S.E. ; peu de choses peuvent être dites à son sujet sinon que son action, bien que très réelle, est toujours secrète et mystérieuse ; le vert de ses vêtements exprime la puissance de vie car le vert symbolise la jeunesse, la sève de la vie qui fait croître toute chose.
Le cercle des 3 anges n’est pas fermé mais ouvert sur le calice posé sur la table : c’est l’Eglise, le calice de l’Eucharistie auquel tous les hommes sont invités par le baptême, pour participer au festin de la vie éternelle car la vie éternelle c’est vivre au sein de la Divine Trinité.
Nous pouvons conclure cette brève méditation sur l’ineffable mystère trinitaire par le chant du Trisagion qui est le chant de toutes les hiérarchies célestes réunies, les Séraphims, Chérubins, Trônes, Puissances, Dominations, Vertus, Archanges et Anges.
« Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous ! » (3 fois) puis doxologie puis à nouveau une fois.
P.S. Il y a une autre « lecture » de l’icône de la visitation à Abraham que l’on trouve dans le livre de P. Evdokimov « l’art de l’icône, théologie de la beauté » (1970, DDB) ; pour lui, l’ange central représenterait la monarchie du Père, source de toute divinité, tandis que le Fils serait à droite et le S.E. à gauche, « les 2 mains du Père » selon St Irénée « car c’est par eux et en eux qu’Il (le Père) a fait toutes choses » (« contre les hérésies, livre IV 20,1) ». Mais l’arbre qui est derrière pose un peu problème.